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SALON COSMOS – Montreuil

06/16/2014

 

 

 

Une installation mise en scène par Veronique Bourgoin

 

Vernissage le 17 juin à 19h avec une performance de Vero Cruz et des Hole Garden accompagnée d’une improvisation musicale de Reza Azard, Jeanne Susin, Olivier Schlegelmilch et Dick Rooster.

 

 

avec des oeuvres de :

 

Jerôme Lefdup, Pascale Lecoq, Sara Glaxia, Daniel Johnston, Véronique Bourgoin, Abel Auer, Anne Lefèbvre, Juli Susin, Lilas Carpentier, Raymond Pettibon, Jean-Louis Leibovitch, Richard Lecoq, Josquin GF, André Butzer, Linda Bilda, Jonathan Meese, Julia Isidres, Abdelkader Rifi, Gelitin, Storval, Andy Hope 1930, Gilles Lacombe, Gregor Dragos, Adolfo Kaminsky, Neva Bonachera. Une grande partie des oeuvres est issue de la collection Royal Book Lodge.

 

Le fil conducteur de cette exposition-labyrinthe est une vaste collaboration artistique qui ont eu lieu dans un pavillon de Montreuil-sous-bois depuis plus de 20 ans. La plupart des oeuvres présentées dans l’installation Salon Cosmos ont été réalisées durant ces années à Montreuil.

 

Une grande partie de l’exposition est consacrée aux 20 ans de l’Atelier Reflexe, un projet dirigé par Véronique Bourgoin depuis 1996, mené avec un grand nombre d’intervenants et de participants.

 

Les éditions Royal Book Lodge sont présentées à l’occasion de cette exposition dans la bibliothèque-bateau réalisée par matali crasset.

 

 A l’occasion de Salon Cosmos  -  un workshop dirigé par Véronique Bourgoin et Stéfanie Gattlen.

 

Une édition Salon Cosmos 48°51’37° Nord – 02°26’35° Est a été réalisée a l’occasion de cette exposition.

 

 

 

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1. A la fin des années 1980 nous nous sommes installés à Montreuil. Cette ville au dessin urbain aussi peu planifié que notre emploi du temps de l’époque, ressemblait à un écran de cinéma à la Méliès, tel un collage d’univers juxtaposés qu’on pouvait modifier à sa guise afin de découvrir son propre passage Nord-Est, au milieu des usines, des terrains vagues, des vieux pavillons, des bars perdus aux noms surréalistes : « La fontaine de Brouillard » etc. Très vite notre petite maison avec jardin et atelier est devenue un lieu de rencontres et de collaborations avec des artistes venus de différents pays dans ce milieu de nulle part, mais qui était à la fois proche de tout, car les fils invisibles de nos amitiés le reliaient à l’univers. C’est ainsi que ça a duré de nombreuses années.

 

2. Un soir, au milieu des années 1990, un grand repas fut organisé par un ami cuisinier. En plat principal fut servi un poulet en croute à la vanille. Une quarantaine de convives se retrouvèrent autour de la table pour la dégustation. A la fin du repas un jeu fut lancé par Gianfranco Sanguinetti. Il s’agissait de trouver la différence entre ce qui était Willie et ce qui ne l’était pas. Ce jeu tournait en dérision des distinctions habituelles que l’on peut faire entre les choses les réduisant à une génétique humoristique de langage.

 

3. Un an plus tard le nom de ce jeu est devenu le titre du premier livre d’artiste de Véronique Bourgoin. Ce livre réunit ses photographies et une bande dessinée doublée d’une légende, dans une relation déroutante. L’édition de tête de l’album contient des plaques typographiques en cuivre, sur lesquelles on voit par reflets des images de salons meublés des années 1930 faisant référence à l’endroit où le jeu « Willie ou pas Willie » eu lieu. Sur les plaques sont placés des aimants noirs tel un accrochage de tableaux modifiable, et les pages du livre avec les photos sont perforées selon la forme de chacun de ces aimants.

 

4. En 2008, Véronique crée l’installation  » Vrai ou Faux ? « , qui reprend le principe du titre de « Willie ou pas Willie », mais d’une manière plus générale, développée avec des archives, interrogeant l’accélération moderne des transformations du vrai et du faux. Dans cette installation des salons sont reproduits en taille réelle de façon à créer un papier-peint sur lequel sera ensuite fait l’accrochage des œuvres, créant un effet trompe l’oeil.

 

5. Mais des années sont passées entre cette nouvelle expérience et le livre « Willie ou pas Willie », remplaçant les petits aimants noirs sur les murs des salons par des objets et des tableaux bien réels, mettant en scène une histoire vivante de la « Maison » à travers nos œuvres et celles de nos amis, comme par exemple le dessin du lapin de notre fille dessiné par Raymond Pettibon, une porte récupérée dans le jardin peinte par Abel Auer, les photos de Jean Louis Leibovitch qui a logé pendant plus de 5 ans l’Atelier Reflexe, un meuble transformé par Jonathan Meese pendant son séjour chez nous, les photographies de Jochen Lempert invité par l’Atelier Reflexe, un tableau de André Butzer peint alors que nous travaillions ensemble sur un livre, la Joconde des Gelatin, stationnée ici pendant la préparation de leur exposition « La Louvre » au musée d’art moderne de Paris, les œuvres d’Anne Lefebvre réalisées pour le projet  » Vrai ou Faux ? « , la bibliothèque-bateau de matali crasset créée pour les livres de Royal Book Lodge, etc.

 

6. Le bâtiment du centre d’art le « 116 » s’est prêté étrangement bien à cette mis en scène de la réalité. Il y a des années quand notre fille passait devant le numéro 116 elle le comparait à une maison hantée. Squattée et abandonnée pendant de longues années, cette bâtisse ressemblait à cette époque à un fantôme au milieu de la rue. Pour la transformer en centre d’art la maison a été réhabilitée, restructurée et vidée de ses entrailles, qui ont été remplacées par un espace d’exposition neutre et habituel favorisant la lecture des concepts artistiques assortie à la directrice.

 

7. C’est dans cet espace clinique que nous sommes arrivés pour le montage de l’exposition. Une fois les tapisseries avec les reproductions de vieux salons posées sur les murs et l’accrochage fini, le trompe l’œil fut parfait. Et c’est à ce moment là qu’une sorte d’hallucination s’est produite, comme si l’ancienne maison revenait dans un dernier relent en noir et blanc, comme si elle continuait à vivre dans un espace intermédiaire rendu accessible par l’artifice de l’art.

 

8. Le contraste entre le fond des tapisseries et les œuvres accentuent en même temps la contradiction de l’espace temps de l’art et du monde vieillissant toujours plus vite. Les photos de la tapisserie qui reproduisent les salons saturés d’objets et de collages, comme un simulacre du monde réel, semblent s’éloigner derrière les œuvres dans une sourde confusion grisâtre, laissant aux tableaux leurs couleurs fraîches et intactes.

 

9. Ce décollage entre l’espace temps d’une œuvre d’art et le monde, que cette installation rend visible, pose la question sur la place de l’objet d’art dans notre quotidien. Il ne le fait d’une manière théorique, mais s’appui sur l’histoire tirée d’une expérience de notre propre vie au milieu des œuvres d’arts et des artistes, que ce salon réincarne comme une sorte de miracle. Chacun est libre de circuler dans ce labyrinthe à la recherche de sa propre réponse. Peut-être une des réponses est que l’art, sans changer notre vie comme veut le faire la politique, cherche à la vitaliser avec les moyens puissant de ses artifices.